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Une parle de "Charm" sur la Mer Rouge

par Mostefa BRAHIM
De Charm el-Cheïkh à Taba, en passant par Dahab, la mer Rouge étale un bleu turquoise, un climat serein, des plages superbes et un milieu sous-marin préservé : tout concourt à faire de ce lieu rare un paradis fascinant, encore plus lorsqu'on se dirige vers les hauts lieux saints, au mont Moïse et au monastère de Sainte-Catherine, d'où l'on part pour un safari en Jeep ou en randonnée chamelière à travers le désert du Sinaï, afin de se ressourcer ou simplement admirer le paysage.

Charm est une succession de baies, dont la plus importante est la Naama Bay, un romantique et authentique havre de bien-être qui, en peu d'années, s'est transformé en une moderne et luxueuse station de vacances ; mais elle a gardé un charme oriental, grâce notamment à sa belle promenade longue de sept kilomètres. Et de l'île de Tiran à Ras Mohamed, les plus beaux fonds marins du monde se trouvent dans cette Mecque ultramoderne des sports nautiques.
Les sites de plongée sont accessibles toute l'année, de jour comme de nuit. L'amateur de « snorkeling » admire en surface une flore corallienne exceptionnelle et assiste, en spectateur privilégié, au superbe ballet aquatique d'une nuée de poissons manifestement habitués à servir de modèles. Les férus de plongée explorent le spectaculaire jardin sous-marin fait d'une multitude de coraux mous roses que des tortues broutent paisiblement, de grottes et de gorgones où évoluent bancs de barracudas, mérous rouges, grondins, murènes géantes ou balistes.
« Les plus grands fonds du monde sont en mer Rouge », disait Cousteau. Effectivement, le golfe d'Aqaba est une profonde faille de 2 000 mètres qui forme un goulet d'étranglement au niveau du détroit de Tiran ; des récifs de corail acérés comme des scies qui rendent la navigation périlleuse : de nombreuses épaves jonchent le récif et font le bonheur des plongeurs en tuba et d'autres, aux noms légendaires, gisent au fond de la mer. Ces vestiges sont demeurés quasi intacts et l'émotion est visible au travers des masques.Dahab, royaume du surf
Jadis simple village de bédouins avec un port de pêche somnolent, la ville de Dahab, à une heure de route de Sharm, s'est développée en un centre touristique de notoriété. Le lagon s'est épanoui en une lumineuse station balnéaire - le nom de Dahab, qui signifie or en arabe, vient de la blondeur du sable - et, au fil des ans, les bédouins Muzeinah ont cédé la place aux bourlingueurs baba cool du monde entier qui sacrifient dans les confortables bars à la « Shisha », ce narguilé omniprésent.
En raison d'un vent fort à décorner les b?ufs, Dahab est devenu le lieu privilégié pour les sports de glisse tels que la planche à voile ou le kite surf. Mais au-delà de sa réputation de port venté, Dahab est un site sidéral, un environnement sous-marin fascinant. C[171]est ici que se trouvent les eaux les plus profondes de la mer Rouge, avec des « tombants » de plus de 1 800 mètres. C'est là également que se trouvent des sites de plongée fameux tels le « Trou bleu », un puits sous-marin de 80 mètres dont personne n'a jamais touché le fond, et le « Canyon », un jardin corallien dans une débauche de gorgones géantes. C'est là encore que vous apercevrez peut-être l'une de ces belles sirènes qui, au dire des Bédouins, viennent, au coucher du soleil, se prélasser sur la plage dorée...Le Sinaï, un triangle de lumière
D'où qu'on l'approche, le Sinaï donne l'image d'une terre dure et hostile, un paysage aride et terrifiant, où mer et désert se liguent pour tenir l'homme à distance. Or rien n'est moins vrai : les pharaons y ont exploité l'or et la turquoise, des prophètes s'y sont égarés et des dieux révélés. Aujourd'hui, des milliers de voyageurs découvrent la magnificence de ses paysages, sa lumière contrastée, son climat changeant, quand au soir se dissipent chaleur et poussière.
Plus de huit mille ans de l'histoire de notre humanité se sont déroulés dans ce triangle de lumière et de granit, symbole de tolérance et de fraternité des religions hébraïque, chrétienne et musulmane.
Isis y rechercha Osiris. Moïse y erra avec son peuple quarante ans durant et y reçut les « dix paroles » (déka logoï ou décalogue) du code mosaïque, symbole de plénitude. Le roi Salomon y expédia des caravanes pour lui rapporter l'or et les perles qu'il comptait offrir à Bilqis, reine de Saba. Mahomet y prit son ascension pour les Sept Cieux, escorté des anges Michel et Gabriel...Une escapade bédouine
Répartis sur une vingtaine de tribus dans ce désert aride et inhospitalier, les Bédouins du Sinaï se sédentarisent peu à peu. Si quelques irréductibles vivent encore d'élevage et se nourrissent de dattes et de lait de chamelle - un safari en Jeep jusqu'à Ain Hodra, « 'alâ toul », comme disent les guides égyptiens, tout droit en allant vers Nuweiba, dans la vallée de Ghazel, permet de s'en assurer -, ceux du littoral sud ont adopté le confort moderne et ont irrémédiablement troqué le chameau pour la Jeep.
Malgré tout, les coutumes et les traditions ancestrales restent intactes : le sens de la justice, l'hospitalité et l'honneur sont vivaces. C'est ainsi un conseil tribal qui règle les litiges selon un protocole et des codes ancestraux ; un jugement auquel chacun se plie, de peur d'entacher l'honneur et la dignité du clan à jamais (voir l'encadré).
A première vue, la végétation du désert semble plutôt rarissime hormis les quelques acacias épars qui vivotent dans les oueds asséchés, mais curieusement, le désert du Sinaï est connu pour ses nombreuses plantes médicinales. Et dans ce désert en apparence hostile et inhabité évolue une faune abondante invisible à l'?il profane : la gazelle, le fennec, le chacal doré ou, plus rare, le caracai - type de lynx du désert - et l'ibex nubien - sorte de chèvre sauvage aujourd'hui protégée.
Mais Taba est encore loin et il est temps de reprendre la route. La caravane de Jeep se remet en marche.

Une « Riviera égyptienne du bout du monde »
Hier simple poste frontière à l'extrémité orientale du Sinaï, Taba est en passe de devenir la « Riviera égyptienne ». De somptueux palaces édifiés dans un décor naturel rivalisent de faste avec les plus luxueux hôtels au monde. Sharm n'a qu'à bien se tenir.
Taba une baie naturelle et captivante, au lever du soleil notamment, lorsque des myriades d'étincelles de pourpre et d'or charriées sur des ondes turquoises viennent choir sur le rivage flavescent dans un ballet sans cesse répété, comme pour cajoler les orteils des montagnes majestueuses.
Taba est une station d'évasion encore calme, réputée pour ses magnifiques plages et idéale pour s'adonner au snorkeling ou à la plongée dans un récif de corail très coloré et plein de vie sous-marine.
De Taba, il est loisible de s'embarquer à bord de l'auguste voilier « Henry-de-Monfreid » pour revivre les fabuleuses aventures des « Secrets de la mer Rouge » ; vers l'île du Pharaon, qui est dominée par une forteresse bâtie par le sultan Saladin au temps des croisades, ou, mieux, pour une balade d'une journée ou plus jusqu'à Aqaba qui offre un accès au site archéologique de Pétra, en Jordanie. L'écrivain légendaire - alias Abd el-Haï -, pirate de son état, pêcheur de perles et espion occasionnel, a, en effet, longtemps écumé les mers de cette région ; il a construit plusieurs boutres qu'il engagea dans des commerces risqués (armes, hachisch, perles), hantant, quarante ans durant, les rivages de la mer Rouge.
Stendhal disait: «Ce que j'aime dans les voyages, c'est l'étonnement du retour ». Un séjour au Sinaï, c'est, au retour, une mine d'émotions, d'impressions et de souvenirs. Le plus inattendu sera peut-être un safari en quad dans le désert et le plus beau, assurément, la mer Rouge : fait de couleurs de soleil couchant sur le mont Moïse, de sourires de Bédouins affables, en ce lieu rare où l'on retournera volontiers pour s'étonner à nouveau.
> Mostefa BRAHIM